"Arkady Strugatsky, Boris Strugatsky. Traduit du russe (Фр.)" - читать интересную книгу автораLe manager perdit une partie et en
proposa une autre. Le petit dКjeuner fut copieux : ils burent deux bouteilles de kКfir et mangЙrent un chtroutsel rassis. Le manager perdit la deuxiЙme partie, fixa avec dКfКrence et admiration son oeil vivant sur Perets et en proposa une troisiЙme. Il tentait perpКtuellement le mЛme gambit de la reine, sans s'Кcarter une seule fois de la variante qu'il avait choisi et qui Кtait irrКmКdiablement perdante. On aurait dit qu'il travaillait Б sa propre dКfaite, et Perets dКplaЪait mКcaniquement les piЙces, se faisant Б lui-mЛme l'effet d'une machine d'entraПnement : il n'y avait plus rien ni en lui, ni au monde, si ce n'est l'Кchiquier, le bouton sur la montre et un protocole d'actions rigoureusement dКterminК. A neuf heures moins cinq le haut-parleur du circuit de diffusion intКrieure grКsilla et annonЪa d'une voix asexuКe : "Tous les travailleurs de l'Administration au tКlКphone. Le Directeur va adresser une communication aux employКs." Le manager prit soudain un air trЙs sКrieux, brancha le tКlКphone, se saisit du combinК et le porta Б son oreille. Ses deux yeux Кtaient maintenant tournКs vers le plafond. "Puis-je partir?" demanda Perets. Le manager fronЪa sКvЙrement les sourcils, mit un doigt sur ses lЙvres puis fit un signe de la main Б l'adresse de Perets. Un coassement nasillard s'Кchappait de l'Кcouteur. Perets sortit sur la pointe des pieds. Il y avait beaucoup de monde au garage. Tous les visages Кtaient sКvЙres, importants, solennels mЛme. Personne ne travaillait, tous avaient violemment КclairКe le serveur- mКcanicien qui continuait Б poursuivre la roue, la respiration sifflante, l'air КgarК, rouge, en sueur. Quelque chose de trЙs important Кtait en train de se passer. Ce n'est pas possible, pensa Perets, pas possible, je suis toujours Б cЖtК, je ne sais jamais rien. C'est peut-Лtre lБ le malheur, peut-Лtre que tout est normal mais je ne sais jamais le pourquoi du comment, et c'est pour Ъa que je me trouve en trop. Il se prКcipita vers la plus proche cabine tКlКphonique, tendit avidement l'oreille, mais il n'y avait que des bourdonnements dans l'Кcouteur. Il ressentit alors un soudain effroi, une sourde crainte Б l'idКe qu'il Кtait encore en train de manquer quelque chose quelque part, que quelque part quelque chose Кtait encore distribuК Б tout le monde, quelque chose dont il serait comme toujours privК. Bondissant par-dessus les trous et les fossКs, il traversa le chantier, fit un Кcart pour Кviter le garde qui lui barrait la route, un pistolet dans une main et le combinК dans l'autre et escalada une Кchelle posКe contre le mur inachevК. Il put voir Б toutes les fenЛtres des gens munis de tКlКphones, figКs sur place d'un air pКnКtrК puis il entendit au-dessus de sa tЛte un miaulement strident et presque aussitЖt aprЙs le bruit d'un coup de feu derriЙre son dos. Il sauta Б terre, tomba dans un tas d'ordures et se prКcipita vers l'entrКe de service. La porte Кtait fermКe. Il |
|
|