"А.Сент-Экзюпери. Vol de Nuit (фр.)" - читать интересную книгу автора

d©j  comblait les vall©es. On ne distinguait plus celles-ci des
plaines. D©j  pourtant s'©clairaient les villages, et leurs
constellations se r©pondaient. Et lui aussi, du doigt, faisait cligner
ses feux de position, r©pondait aux villages. La terre ©tait tendue
d'appels lumineux, chaque maison allumant son ©toile, face  
l'immense nuit, ainsi qu'on tourne un phare vers la mer. Tout ce
qui couvrait une vie humaine d©j  scintillait. Fabien admirait que
l'entr©e dans la nuit se fit cette fois, comme une entr©e en rade,
lente et belle.
Il enfouit sa tЄte dans la carlingue. Le radium des aiguilles
commen§ait   luire. L'un aprЁs l'autre le pilote v©rifia des chiffres
et fut content. Il se d©couvrait solidement assis dans ce ciel. Il
effleura du doigt un longeron d'acier, et sentit dans le m©tal
ruisseler la vie: le m©tal ne vibrait pas, mais vivait. Les cinq cents
chevaux du moteur faisaient na®tre dans la matiЁre un courant
trЁs doux, qui changeait sa glace en chair de velours. Une fois de
plus, le pilote n'©prouvait, en vol, ni vertige, ni ivresse, mais le
travail myst©rieux d'une chair vivante.
Maintenant il s'©tait recompos© un monde, il y jouait des
coudes pour s'y installer bien   l'aise.
Il tapota le tableau de distribution ©lectrique, toucha les
contacts un   un, remua un peu, s'adossa mieux, et chercha la
position la meilleure pour bien sentir les balancements des cinq
tonnes de m©tal qu'une nuit mouvante ©paulait. Puis il tўtonna,
poussa en place sa lampe de secours, l'abandonna, la retrouva,
s'assura qu'elle ne glissait pas, la quitta de nouveau pour tapoter
chaque manette, les joindre   coup sлr, instruire ses doigts pour
un monde aveugle. Puis, quand ses doigts le connurent bien, il se
permit d'allumer une lampe, d'orner sa carlingue d'instruments
pr©cis, et surveilla sur les cadrans seuls son entr©e dans la nuit,
comme une plong©e. Puis, comme rien ne vacillait, ni ne vibrait,
ni ne tremblait, et que demeurait fixes son gyroscope, son
altimЁtre et le r©gime du moteur, il s'©tira un peu, appuya sa
nuque au cuir du siЁge, et commen§a cette profonde m©ditation
du vol, oй l'on savoure une esp©rance inexplicable.


Et maintenant, au c?ur de la nuit comme un veilleur, il
d©couvre que la nuit montre l'homme: ces appels, ces lumiЁres,
cette inqui©tude. Cette simple ©toile dans l'ombre: l'isolement
d'une maison. L'une s'©teint: c'est une maison qui se ferme sur
son amour.
Ou sur son ennui. C'est une maison qui cesse de faire son
signal au reste du monde. Ils ne savent pas ce qu'ils espЁrent ces
paysans accoud©s   la table devant leur lampe: ils ne savent pas
que leur d©sir porte si loin, dans la grande nuit qui les enferme.
Mais Fabien le d©couvre quand il vient de mille kilomЁtres et sent
des lames de fond profondes soulever et descendre l'avion qui
respire, quand il a travers© dix orages, comme des pays de
guerre, et, entre eux, des clairiЁres de lune, et quand il gagne ces